*MCMXCIX*

Le Père Noël cocha une dernière ligne et posa enfin son crayon. Prenant appui des deux mains sur le rebord de son bureau, il se repoussa en arrière jusqu'àce que chacune de ses vertèbres touchât le haut dossier de son fauteuil directorial. Il se laissa alors aller au relâchement de la tension qui l'habitait toujours quand approchait l'heure de la livraison.

Son intendant, le vieux Groïm, vint prendre les derniers feuillets que le père Noël avait fini de contrôler. Considérant les colonnes de chiffres et de nomenclatures d'un air soupçonneux, le vieux lutin ressortit en marmonant. Sa prudence méthodique eût dûpousser le Père Noël àrappeler son intendant pour connaître ce qui le troublait. Mais au lieu de cela, le vieil homme légendaire songea plutôt qu'il allait appeler pour demander un petit verre de génépi.
Lorsque s'ouvrit ànouveau la porte du bureau, le Père Noël s'emmerveilla intérieurement que l'on eût devinéson désir et il goûtait déjàle réconfort revigorant d'une première gorgée. Mais au lieu du lutin avenant qui d'habitude veillait àson confort, ce fut le vieux Groïm qui pénétra dans la pièce. Il tenait encore àla main les feuillets de la liste et déclara : << Père Noël, nous avons un problème. >>

Celui àqui ces mots s'adressaient se raîdit un peu dans le vaste fauteuil et son regard sembla n'être plus posésur quoique ce fût. Sa tête s'inclina légèrement de côté, comme si quelque chose avait cassé, et de ses lèvres sorti mécaniquement cette parole surprenante : << il-fal-lait-s'y-at-ten-dre. Re-ve-nez-dans-cinq-mi-nu-tes. Tout-se-ra-ré-glé. >>


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Àpeine le vieux Groïm, plus perplexe que jamais, fut-il sorti qu'il y eut comme une porte qui s'ouvrit au beau milieu du bureau. En émergèrent quatre àcinq grands lutins pâles porteurs d'étranges instruments qui s'affairèrent aussitôt autour du Père Noël maintenant tout-à-fait immobile. Au seuil de la mystérieuse porte, on distinguait la haute silhouette d'une antique houppelande rouge dont le plastron s'ornait de la blancheur impressionnante d'une interminable barbe.

Les efficients lutins eurent tôt fait d'enserrer le Père Noël d'un entrelac de faisceaux luminescents et de câbles fins comme des cheveux d'anges. Lorsque tout fut en place, il interrogèrent du regard la vénérable silhouette. Sa tête d'ombre opina et les lutins tapèrent une commande au clavier de leurs instruments. Le réseau bourdonna un instant, puis aussi vite qu'ils l'avaient mis en place, ils replièrent leur matériel. Ils regagnèrent la mystérieuse porte et comme le dernier d'entre eux la franchissait, il murmura : << tout est réglé, Grand Père Noël.>> La porte disparut en se refermant.


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Le Père Noël dodelina du chef et se frotta les yeux énergiquement. La mine inquiète de l'intendant se glissa par la porte entrebaillée du bureau et le Père Noël, réprimant un sourire mi-amusé, mi-soulagé, dit: << approche mon vieux Groïm. Je n'ai pas tout compris, mais je crois que nous l'avons échappébelle. Reprenons cette satanée liste maintenant : sans encore être en retard, nous ne sommes plus en avance>>.




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