Le Père Noël dans la tempête ---------------------------- L'Autan menait les nuages à grand train roulant pêle-mêle le gris de l'un dans la blancheur de l'autre. Les cîmes des sapins des collines du Nord ployaient en longues vagues sous le souffle glacé d'Aquilon. Nimbée de ses gerbes poudreuses la Risée accourait de la plaine du Sud. Elle tourbillonnait sur le grand lac gelé et finissait sa course dans les branches frêles des bouleaux dont elle faisait tinter le givre. Les rennes du Père Noël encensaient, agitant leurs grelots. Mais le premier d'entre eux, le vieil Albert, le cou tendu, le naseau dilaté, l'oreille droite écoutait la rumeur, inspirait la senteur des humeurs ombrageuses des vents. Les lutins silencieusement inquiets s'affairaient à vérifier l'équilbre et l'arrimage du chargement. Groïm gromnelait plus qu'à son habitude, houspillant l'un ou l'autre d'un geste sec de la tête, n'osant dire mot, de peur de trop laisser paraître sa désapprobation d'un départ dans des conditions météorologiques aussi peu sûres. Le Père Noël sortait de sa cabane. Il voyait le pêle-mêle qu'Autan mettait aux nuages. Il entendait l'aigu du sifflement lointain d'Aquilon dans les sapins. Il avait suivi les ardents badinages de Risée et de la neige, de la plaine au grand lac. Il rabattit son capuchon. Une brise déjà faisait frissoner la fourrure de sa bordure. Le Père Noël pensait à tout cela en avançant ses pas vers le traineau. Dès qu'il se fût assis sur la banquette du traineau, les lutins l'installèrent bien au chaud pour le voyage à grand renfort de couvertures moletonnées à souhait. Groïm, affectueusement taciturne, déposa dans sa main le bout du filin de sécurité dont il avait lui-même vérifié les attaches. Le Père Noël avait à peine claqué la langue, les rennes avaient à peine eut le temps de s'arcbouter pour l'envol qu'une raffale se glissant sous les patins du traineau souleva un à un les sabots de l'attelage pour emporter le tout vers le chaos des nuages. Le Père Noël inquiet voyaient les rennes désemparés de se voir dans les airs avant qu'ils n'en eussent donné l'impulsion. Il sentait dans son dos l'arrimage des colis mis à mal. Il cria au vieil Albert, son premier renne, de reprendre l'attelage en main. Il noua à son poignet le filin de sécurité et entreprit de se retourner pour aller serrer les sangles qui maintenaient son précieux fardeau. La raffale se fit bourrasque et elle le fit passer par dessus bord si bien qu'il se retrouva pendant au bout du filin, à la remorque du traineau qui incurvait sa folle course pour reprendre sa route. Le Père Noël n'y avait jamais songé, qu'il pût ne pas remonter dans le traineau, qu'il pût disparaître à jamais dans l'immensité du monde, que l'on trouverait un jour son corps, sans qu'il y fût. ---o--- Sur le chemin du retour, les vents s'étaient calmés. Aucune perte de cadeau n'avait été à déplorer. Les rennes goutaient le calme de ce retour après la tempête qu'ils avaient essuyé à l'aller. L'esprit libéré des soucis de la distribution, le Père Noël songeait.