La Terre de Noël ---------------- S'il élevait son regard vers le zénith, le Père Noël voyait le rapide mouvement brownien des flocons acérés griffer le gris plombé de la voûte du ciel. Puis lorsqu'il ramenait son regard vers l'horizon, le Père Noël voyait la lente chute de douces mouchetures immaculées emplir l'air tout entier. Il resta un long temps à relever puis rabaisser les yeux pour tenter de saisir le moment où, du ciel à la terre, la neige apaisait l'agitation de sa précipitation pour venir déposer sa froide douceur sur les branches, les clôtures et les collines. La lune se leva et, de blanc duveteux, le paysage se fit d'argent glacé. Le Père Noël secoua la torpeur de la neige qui s'était amoncelée sur sa houpelande et tapa le sol de ses bottes pour les remettre en branle. Les rennes devaient être déjà attelés et on devait l'attendre. Comme il tournait le dos à l'horizon, la lueur d'albâtre de la lune éclaira la massive silouhette du grand ours blanc qui avait dû quitter le lieu de sa naissance pour venir trouver refuge dans les sombres forêts d'épineux du pays du Père Noël. L'ours leva son museau à la senteur glacée des collines qui éveillait en lui le souvenir lumineux des jours sur la banquise. Il attendit que s'estompât l'ombre rouge du large manteau de son hôte et se remit en chasse. Le Père Noël avançait en songeant qu'il n'avait pu ramener nul cadeau de Copenhague.